Innovations managériales et organisationnelles : regards sur les adaptations amenées par la crise

En Nouvelle-Aquitaine, de nombreuses organisations publiques, parapubliques et privées travaillent sur l’innovation organisationnelle. Cinq d’entre elles, Autonom’Lab, l’ARACT Nouvelle-Aquitaine, Talents & Culture, la Mona et ADI Nouvelle-Aquitaine*, se sont réunies au printemps 2020 pour échanger sur leurs pratiques. Cette rencontre, prévue avant le début de la crise sanitaire liée à la covid-19, a pris tout son sens face aux défis qu’ont rencontré les organisations lors du premier confinement. Si de nombreuses enquêtes ont analysé les conséquences économiques de la situation, nous avons pour notre part saisi cette opportunité pour analyser l’impact de la crise sanitaire sur le travail, les salariés, les dirigeants, les organisations. 

Un questionnaire a été diffusé en Nouvelle-Aquitaine auprès des réseaux socio-économiques des membres du groupe de travail ainsi que via les réseaux sociaux. Nous avons reçu une cinquantaine de réponses d’organisations, représentant à part égale, l’économie conventionnelle et l’économie sociale et solidaire. Le questionnaire a recueilli des réponses à 70% de dirigeants et à 30% de salariés, cadres intermédiaires avec des fonctions d’encadrement. Il a aussi été complété par des entretiens individuels et collectifs auprès d’organisations du tourisme, du sanitaire et du médico-social.  Cette enquête, menée entre les deux premières périodes de confinement, nous a permis de récolter des données qualitatives et quantitatives et dont nous vous proposons la synthèse suivante. 

Prendre le temps… de lire l’article complet « Innovations managériales et organisationnelles : regards sur les adaptations amenées par la crise »

Sommaire

Un recentrage sur ce qui est source de valeurs

Une évolution des pratiques organisationnelles

Une évolution dans la manière de travailler

Une évolution dans le rôle de l’encadrement intermédiaire

Une émergence de nouveaux partenariats

Des adaptations plutôt que des innovations

Pour des innovations durables

Pour aller plus loin…

Un recentrage sur ce qui est source de valeurs

Nous avons d’abord constaté que la crise a impacté toutes les organisations dans la “routine” du quotidien, de manière très disparate en fonction des secteurs d’activité. Pour la plupart, les organisations ont cherché à recentrer leurs activités sur ce qui était le plus créateur de valeurs, au sens large du terme. Elles se sont recentrées sur leur cœur de métier, sur le facteur humain, sur la réponse aux besoins des bénéficiaires et finalement aussi sur le soutien de leurs fournisseurs.  

Certains secteurs ont été conduits à mettre leur activité à l’arrêt, avec parfois des professionnels en souffrance. D’autres secteurs ont dû se réinventer en “télétravail dégradé”. D’autres encore ont dû maintenir leur activité sur des missions dites “essentielles”, avec toute l’angoisse des premiers temps face à ce virus. À défaut d’une stratégie d’innovation pensée, structurée, voire durable, les organisations ont dû s’adapter en un temps court. Elles ont dû s’interroger sur leur mission et les habitudes de travail et se poser un certain nombre de questions clés. Puis-je maintenir mon activité, en totalité ou partiellement ? Que proposer aux salariés pendant cette période d’activité partielle ou sans activité ?  Comment manager les salariés à distance ? Comment soutenir mon personnel ? Et finalement, où se trouve la valeur produite par mon organisation, par qui et pour qui ? Comment soutenir ces parties prenantes mises à rude épreuve ?

Ceux dont l’activité était totalement ou partiellement à l’arrêt ont cherché à identifier comment utiliser ce temps “libéré” pour améliorer certaines de leurs missions. Par exemple, l’accompagnement et soutien des professionnels en souffrance par des appels et messages réguliers, une disponibilité accrue, l’animation de leurs réseaux, des échanges avec les collaborateurs pour ajuster les pratiques et postures. Ils ont également mis à profit ce temps pour soutenir la professionnalisation de leurs salariés, facilitée par l’accentuation des formations en ligne. Les dirigeants ont ainsi pris le temps de penser le plan de développement des compétences des individus, en cherchant à faire preuve de bon sens pour optimiser le fonctionnement de leurs structures. Par exemple, les salariés se sont formés à l’animation de réunions à distance et aux outils de travail en ligne.  

Certaines structures ont aussi fait le choix de réorienter leurs activités pour subvenir aux besoins des plus fragiles, des actifs encore en activité et du personnel soignant. La confection de sacs a laissé place à celle de masques. Des industries du 3D se sont mises à fabriquer des supports de visières. D’autres secteurs comme celui du médico-social ont arrêté les interventions dites de “confort” auprès des personnes fragiles et les ont remplacées par des appels téléphoniques pour maintenir le lien.

Pour ceux dont l’activité était maintenue dans des circonstances de stress face à cette maladie inconnue et très contagieuse, particulièrement au début de la crise sanitaire, les managers déclarent avoir eu à cœur d’être davantage présents et soutenants auprès de leurs salariés. Les questionnements habituels du manager se sont vus renforcés. Quel est mon rôle ? Comment manager à distance ? Par solidarité – les managers étant, dans ce cas, souvent moins voire pas exposés – et par reconnaissance, ils ont, pour certains, continué à venir au bureau quand l’heure était plutôt au télétravail. Ils ont, bien plus fréquemment que d’habitude, envoyé des messages de soutien et d’encouragement à leurs salariés (SMS, whatsapp, groupes d’échange internes sur les réseaux sociaux avec des challenges à réaliser). Ils ont également été plus à l’écoute des besoins de leurs salariés. Enfin, ils ont tenté la mise en place de services nouveaux visant à faciliter leur quotidien, comme la livraison de courses sur le lieu de travail ou la livraison des équipements de protection au plus près de leur domicile.

Cette situation a d’ailleurs pu entraîner, au niveau de la société, une nouvelle considération de certains métiers, souvent situés “en bas de l’échelle” et pourtant extrêmement utiles (caissier.e.s, auxiliaires de vie, soignants, …). Ces métiers ont particulièrement été mis en lumière à la faveur de la crise sanitaire à travers les applaudissements de la population à 20h00.

Une évolution des pratiques organisationnelles

Au niveau organisationnel, nous avons également observé une évolution des pratiques. Les professionnels ont été invités, dans plusieurs structures, à davantage prendre des initiatives. Cette autonomie qui paraissait impossible quelques temps auparavant s’est révélée acceptée en 48 heures. Le travail à domicile imposé par la situation a invité à plus de confiance.

Soucieux de soutenir leurs équipes, les managers ont aussi dû réinventer le rôle de manager à distance. En premier lieu, ils ont mis en place des actions pour permettre à leurs salariés de partager leur quotidien ou de maintenir le lien. Les valeurs humaines d’entraide se sont avérées d’importance capitale pour passer le cap traumatique du confinement, du travail à domicile et du chômage partiel.

Par cette situation inconnue, les organisations ont ainsi été dans l’obligation de créer – si cela n’existait pas jusqu’à maintenant – des espaces de réflexion sur le travail. Une des questions est de savoir si ces espaces ont associé tout ou partie des salariés, permettant de représenter la diversité des métiers et des pratiques de l’entreprise. 

Consacrer du temps à la cohésion dans l’équipe, prendre le temps de s’exprimer sur ses besoins, ses attentes, ses angoisses, ses doutes mais aussi sur tous les maux qui circulent dans les conversations avec les partenaires externes, est la première des observations que nous faisons sur les diverses initiatives. 

Ces adaptations ont pu être propices à la motivation au travail par le développement du sentiment de considération et de reconnaissance. Un des enjeux sera donc de maintenir ces dynamiques de reconnaissance de la valeur qui provient d’abord et avant tout de ceux qui rendent le service, source de motivation au travail sur le long terme. 

Ces exemples sont autant d’adaptations faites en réponse à une rupture brutale dans les fonctionnements huilés des organisations. Aujourd’hui, tout l’enjeu repose sur la poursuite de ces changements de paradigme. Comment ancrer durablement ces nouveaux positionnements ? Comment faire l’apprentissage de nouvelles façons de travailler dans le quotidien des équipes ? Comment repenser de manière stratégique la place des organisations dans leur écosystème ? Voilà les véritables questions posées désormais aux managers pour mieux vivre leur travail et faciliter, par leurs nouvelles postures, la plus-value de leurs structures.

Une évolution dans la manière de travailler

Les temps de rencontres et d’échanges se sont dématérialisés du jour au lendemain, d’une part avec les clients et bénéficiaires pour des rendez-vous externes, d’autre part entre salariés pour des réunions internes. Les outils de communication numérique ont pris le relais. La visioconférence et le téléphone ont été les principaux outils, à la fois pour les temps de travail et pour les échanges informels. Pour les temps de travail, il a été important de ne pas reproduire en version dématérialisée les erreurs du présentiel. La réunion en visioconférence est-elle essentielle ou son sujet pourrait-il être traité via un email ou un document de travail collaboratif ? Aussi, une adaptation du temps de réunion et des techniques d’animation ont été nécessaires. Les ordres du jour ont été raccourcis et les échanges synthétisés. Les créneaux dédiés à ces temps ont aussi été importants à prendre en compte. Une visioconférence en seconde partie de journée n’est pas aussi efficace qu’en première partie. Enfin, après des mois de visioconférences, certaines organisations ont partagé le constat que certains déplacements pour des réunions en présentiel étaient inutiles, la visioconférence permettant très bien de mener certains sujets à distance. Les temps en présentiel, ont, eux, retrouvé une forte valeur ajoutée, en particulier sur la création de liens. 

Pour les temps d’échanges informels et afin de s’assurer qu’ils gardent leur fonction de vecteur de lien social entre collègues, l’important a été de s’interroger sur l’utilité de ces temps “non productifs”. Il ne faut pas préjuger que ces temps soient inutiles ou les utiliser pour surveiller les gens (l’exemple du café à 9h pour vérifier que tout le monde est derrière l’ordinateur). Cela oblige le manager à avoir un traitement plus égalitaire et l’invite à organiser l’informel. Le manager ne peut ignorer les situations individuelles, obligé de penser à tout et à tout le monde et traiter de manière égalitaire tout le monde. Il est important que le manager ait connaissance du travail réel du salarié, à savoir ce qui est fait et la façon de le faire, qu’il ait confiance dans le travail de chacun afin de faire perdurer des pratiques collectives qui créent de la solidarité. 

Cette adaptation aux outils de communication numérique pour les temps de rencontres a aussi posé la question de l’environnement de travail au domicile des salariés, en termes d’équipements mobiliers, de connexion internet et d’équilibre vie personnelle/professionnelle. Le travail à domicile a mis en lisibilité certaines situations personnelles que les managers ne peuvent plus ignorer : les aidants familiaux, le rythme familial, le cadre de vie,… Les managers se sont alors retrouvés face à la nécessité de prendre en compte le rapport subjectif, le ressenti de chacun face au travail à distance et aux équilibres de vie, pour moduler les temps et la charge de travail. Le télétravail a pu être mis en avant comme facilitateur dans une phase de transition personnelle ou professionnelle, comme observé dans une PME avec des situations de retour de congé maternité, de chômage longue durée ou préparation départ à la retraite. Les outils de travail collaboratif et de communication informelle mis en place par les services ont facilité le sentiment de « proximité dans la distance » et ont pu rassurer. Néanmoins, leur utilisation reste propre à chacun. Ces outils ne peuvent suffire à s’assurer d’une réelle proximité, qu’il est important de prendre en compte dans la mise en place de télétravail régulier ou permanent. 

Offrir des possibilités d’espaces de travail hybrides, par exemple en coworking ou en travail à domicile, avec l’environnement technique adapté, a été une réponse aux besoins d’autonomie et d’équilibre des salariés. Pour que cela fonctionne au sein de l’entreprise, il a été nécessaire d’organiser en complément des points de travail ou de rencontres collectives dans des lieux propices.

Discuter autour des différentes situations de travail et élargir les possibilités pour tous les salariés, quels que soient leur statut et leur situation de travail, est une manière de limiter les sentiments de traitement différenciés. Les discussions doivent s’ancrer sur le travail et ses conditions de réalisation, tout en partant d’un principe de confiance et de réciprocité mutuelle. Par ailleurs, la régulation par le manager des difficultés éprouvées ou des dysfonctionnements permet d’ajuster des organisations personnelles qui ne seraient pas efficientes. Cette régulation ré-interroge le travail, ses conditions de réalisation et les résultats du travail par un questionnement objectif, factuel et partagé. Les subjectivités doivent être mises en avant comme autant d’éléments à prendre en compte pour arriver à mener un travail collectif. Ainsi, on construit des points de vue et fonctionnements partagés en partant des perceptions individuelles.

Une évolution dans le rôle de l’encadrement intermédiaire 

Les managers, clés de voûte permettant au niveau opérationnel de concilier les enjeux de qualité de vie au travail et de performance, ont été en première ligne pour composer avec les différents aléas et obligations de cette période. A la fois leader, booster, créateur, à l’écoute des situations différenciées, nous avons pu observer qu’ils ont été plus que jamais en proie à des questionnements et réajustements. Alors que l’action du top management a été davantage la cible des principaux griefs, notamment en termes de communication et de proximité, l’encadrement intermédiaire a été plutôt soutenu et reconnu dans son action par les salariés, tout en portant sur lui le poids des principales attentes. Les encadrants intermédiaires ont été particulièrement sollicités pour gérer la mise en place des ajustements et nouvelles organisations de travail en urgence, veiller à l’application des mesures de prévention des risques professionnels, réguler la charge de travail, reconnaître et apporter un soutien aux équipes, prendre en compte la diversité des situations individuelles, ajuster leur modes de management avec l’hybridation des situations, communiquer sous différentes formes, motiver et mobiliser.

Alors que le top management a été davantage centré sur la gestion de communication de crise et des aspects stratégiques en tension, l’encadrement intermédiaire s’est retrouvé à la rencontre des besoins multiples des acteurs internes, besoins ascendants des collaborateurs et descendants du top management. Encore plus qu’avant “entre le marteau et l’enclume”, cette position a été mise sur le devant de la scène et en visibilité en termes de reconnaissance de son rôle essentiel comme maillon pour contribuer à faire tenir l’ensemble. 

Un pivotement managérial a pu être observé autour des 3 volets du management du travail, par le biais d’actions managériales de bon sens, et parfois innovantes. 

Sur le volet du management des individus et des collectifs, nous avons observé que la prise en compte des situations individuelles, de l’équilibre des vies professionnelle et personnelle et des contraintes familiales ont été des caractéristiques nouvelles du management des individus et des collectifs. Aussi, les managers ont souvent souhaité mettre en place des sondages pour connaître le ressenti de leurs collaborateurs, mettre en visibilité et partager des expériences singulières dans le rapport au travail et au télétravail. Le nouveau rapport au temps et aux résultats du travail ont également été des caractéristiques d’une évolution des formes de management du travail. Ainsi, nous avons pu observer de nouvelles pratiques de gestion des temps, par exemple une alternance des situations de travail, des plannings échelonnés en structures d’insertion par l’activité économique (SIAE), de la souplesse horaire. Nous avons également observé une confiance accrue dans l’auto-régulation des collectifs et le contrôle des résultats du travail plutôt que de la présence. Enfin, de nouveaux apprentissages ont pu être développés grâce à un meilleur accès aux formations en ligne (pour les travailleurs isolés de l’activité) centrées sur les besoins des salariés. Cela a généré des gains en termes d’autonomie et de capacité de régulation et d’initiative, et également de la reconnaissance des efforts consentis (remerciements, “murs des mots positifs” en EPHAD, …). Ces nouvelles expériences collectives, organisationnelles et managériales, ont permis de mettre à disposition des moyens visibles et tangibles pour permettre aux salariés de s’exprimer, d’agir, de s’ajuster (cahiers d’observation, briefings et debriefings sans managers). Par les échanges et espaces de discussion autour des nouvelles conditions de réalisation du travail, les managers ont su sacraliser du temps pour construire des points de vue partagés, soutenir la cohésion dans les équipes, prendre le temps de l’expression des besoins, attentes et angoisses. Cela leur a également appris à mieux connaître et reconnaître la réalité des contraintes du travail et des capacités d’actions des collectifs (en étant davantage présents sur le terrain). Enfin, ils ont organisé de nouveaux moments de contacts, comme des pauses collectives pour prendre le temps d’échanger, prendre du recul et mieux se poser en EPHAD, et ainsi fait évoluer les modes de communication interne, notamment avec les salariés éloignés de l’activité ou en télétravail.

Sur le volet de l’organisation du travail, les retours et observations mettent en avant une qualité et proximité managériales appréciées au niveau de l’encadrement intermédiaire. Ces retours proviennent des salariés “du terrain”, dont les managers intermédiaires étaient pourtant souvent éloignés du fait de la “gestionnarisation” de leur fonction. Dès lors, cette proximité a permis une organisation plus efficiente du travail. Des adaptations de “bon sens” ont été trouvées pour répondre (collectivement et dans une logique de subsidiarité) aux urgences et à la continuité des activités. À cet effet, les adaptations ont parfois été menées sous formes d’expérimentations : des équipes semi-autonomes, un service à table en remplacement du self dans un service de restauration scolaire, un service en chambre dans les EPHAD, des téléconsultations dans le secteur médical. Elles ont aussi parfois pris la forme d’exercices de simulation du travail : des “répétitions générales” avant reprise, une simulation de scénarii alarmistes. Ces expérimentations et exercices ont permis de tester de nouvelles modalités d’organisation du travail tout en se donnant la possibilité de « revenir en arrière ». L’association des salariés aux ré-organisations du travail (en debriefings « tournants » faits par les salariés, en associant des salariés à l’adaptation des menus, à la mise en place du clic and collect dans la restauration, à l’évolution de l’offre de service et de l’espace de travail dans la coiffure), ainsi que le développement de la polyvalence (un directeur d’EPHAD qui assure les visites, un dirigeant de structure d’insertion qui fait l’accueil, des agents de piscine municipale qui viennent en renfort auprès des équipes des déchetteries dans une collectivité) ont été des leviers d’efficacité et de réactivité sur la période. Aussi, nous avons pu observer, parmi les éléments de soutenabilité de l’organisation du travail sur cette période, une évolution du rapport à la qualité du travail, avec une nouvelle approche du temps et des priorités et exigences de travail. Cette nouvelle approche a pris différentes formes : acceptation du mode “négocié », ré-évaluation des urgences et priorités, reprise échelonnée, anticipée et préparée en amont et en concertation (communication, affichage, livrets de consignes/ kit de reprise donné aux salariés ; formations/informations en amont ; groupes de travail thématiques, …). 

Enfin, le volet management des transformations et des changements a été, encore plus qu’en “temps normal”, probablement le cœur du travail managérial sur cette période. La gestion de crise renvoie aux capacités de conduite des changements et aux nécessaires capacités de communication associées. La période a pu mettre en avant l’agilité communicationnelle attendue des managers, pour pouvoir à la fois communiquer régulièrement avec des éléments tangibles et nouveaux,  donner  une  vision et un cap à terme malgré les incertitudes, tout en rassurant au jour le jour. Là encore, l’association des salariés aux évolutions de l’activité ont permis de mieux vivre et s’approprier collectivement les changements plus ou moins subis. Le télétravail a été probablement l’exemple le plus significatif du changement dans l’organisation du travail mais aussi le révélateur de transformations organisationnelles et managériales accélérées (dématérialisation, outils numériques, rapport aux espaces de travail, ..). Avant tout, il a mis les managers face à la réalité du temps et de la charge de travail et à la réalité des services. Il les a obligés à réguler, prendre en compte ces réalités et à déléguer, responsabiliser et faire davantage confiance. Les managers portent l’accélération des transformations du travail. Ils sont les vecteurs des retours d’expériences pour ajuster au quotidien les organisations et capitaliser pour garantir la qualité de travail et la soutenabilité du travail.

Une connaissance du travail et des équipes, la qualité du dialogue et des relations professionnelles, les marges de manœuvre laissées aux équipes opérationnelles, la valorisation des compétences a facilité la régulation, la reprise, la continuité d’activité et la soutenabilité du travail et des collectifs. Elles ont permis de conforter des apprentissages en situation de travail, de développer de nouvelles ressources collectives et de renforcer les collectifs de travail.

En terme de posture managériale, ce sont avant tout des processus d’expérimentation, de conscientisation (avec notamment le développement tacite de nouvelles compétences managériales à l’observation des comportements) et d’adaptation des modèles managériaux qui ont eu cours, mais pas de révolution. Ce pivotement managérial est alors essentiellement observé autour du rôle de facilitateurs du travail mais aussi de maillon essentiel de la “nouvelle” reconnaissance portée aux salariés (ne relevant pas uniquement de la reconnaissance financière). Il s’agit de la reconnaissance de l’identité d’une part (“qui je suis”, “quelle est ma place dans le groupe ?”, “mon manager a-t-il pris de mes nouvelles pendant cette période ?”), de la reconnaissance de l’activité d’autre part (“ce que je fais et comment je le fais “, la qualité du travail au regard des moyens dégradés de la période et des efforts consentis). La reconnaissance porte également sur les résultats de l’activité : ”ce que j’ai obtenu dans le contexte négocié du travail”. Enfin, la reconnaissance entre pairs est également mise en avant, par l’organisation d’espaces de discussion et de résolution de problèmes en équipe autonomes ou semi-autonomes. Ces éléments de reconnaissance ont pour effet une amélioration de la qualité de vie et du travail, au sens de la possibilité d’agir et de s’exprimer sur son travail, de la facilitation de conditions de travail soutenables et d’un environnement technique et relationnel étayant. 

L’innovation managériale observée s’illustre ici par un ensemble d’ajustements incrémentés et expérimentés qui ont permis au système de s’ajuster et de fonctionner dans un “bon sens” collectif. Les ajustements managériaux et organisationnels observés peuvent être analysés comme de premières pierres pour le développement d’organisations apprenantes et plus participatives. Ces organisations permettent le développement des capacités d’action des collectifs et du dialogue professionnel recentré autour du travail, et de ses conditions pragmatiques de réalisation.

Or, sans une pratique réflexive pour objectiver ces ajustements (et leurs impacts sur la qualité de vie au travail des salariés et les conditions de réalisations du travail), nous observons déjà un réel risque que les pratiques managériales “d’avant”, davantage ancrées dans ce que les managers connaissent et maîtrisent, reviennent, notamment sous la pression des injonctions et des priorités du top management. Par ailleurs, le système relationnel reste fortement impacté (renforcé, distendu ou fragilisé) et est trop instable pour tirer des conclusions sur la période. L’agilité et les capacités d’adaptation et de résilience observées ont leurs limites dès lors qu’elles créent une charge de travail et cognitive supplémentaire. Sur la durée, pour préserver la soutenabilité du travail et des collectifs, un apprentissage est à faire pour gérer et rationaliser les incertitudes, et pour voir le changement comme inhérent aux organisations, de tous temps. 

Il s’agit donc de pouvoir passer du simple “pivotement” à une réelle innovation organisationnelle et managériale. Les conditions de ces transformations durables sont multiples mais nous pouvons en mettre en avant plusieurs, à la portée des managers. Les ajustements managériaux expérimentés doivent pouvoir être objectivés et discutés – notamment sur leurs effets sur les salariés et la performance – pour construire collectivement un nouveau “contrat managérial commun/réciproque”. Un contrat construit en fonction des attentes et des besoins réciproques et qui répond aux exigences de performance du top management. Les managers sont les maillons essentiels de la conduite des changements continus et de la qualité, de la continuité et de la soutenabilité du travail (donc de la performance). Or, leur santé mentale décline comme en témoigne les dernières statistiques sur la santé mentale des travailleurs. Prendre soin des managers pour qu’ils prennent soin des salariés est donc essentiel  (par le biais d’espaces de discussions sur le travail entre managers inter-structures, de groupes d’échanges de pratiques professionnelles, …). Enfin, les retours d’expérience et la capitalisation sur les expériences vécues collectivement permettent de ne pas perdre les acquis et les apprentissages de la période et de maintenir une dynamique d’apprentissage et d’adaptation en continu, source de qualité du travail et de vie au travail.

Une émergence de nouveaux partenariats

La crise a également permis de créer voire renforcer des liens externes aux organisations, en particulier de voir éclore de nouveaux partenariats. En effet, face à l’ampleur des nouveaux besoins dans ces nouvelles contraintes sanitaires et organisationnelles, les structures ont dû improviser en un temps record. Pour faciliter cette réactivité, les dirigeants ont lancé des appels à l’aide qui ont trouvé très largement écho dans la société (réalisation de masques par les couturières, envoie de courriers aux personnes âgées par des citoyens, des écoliers,… ).

De leur côté, nombre d’entreprises, portées par cet élan de solidarité et/ou contraints par l’arrêt de leurs débouchés, ont tenté de voir comment être utiles et contribuer à l’effort national. Certaines ont ainsi proposé leurs produits ou services gratuitement aux structures (machine de désinfection, ressources diverses en ligne, offre de services administratifs mis à disposition gratuitement, …). Ainsi, des structures entières ont réorienté leurs activités pour subvenir aux besoins des actifs et du personnel soignant.

Mus aussi par le besoin de partager leurs difficultés face notamment à l’absence de réponse des pouvoirs publics, les structures ont augmenté leurs échanges, même entre concurrents, afin de partager leurs ressentis, chercher des solutions entre eux et défendre des positions communes face aux institutions. C’est ainsi par exemple que le secteur social et médico-social a mis en place des innovations de secteur et obtenu – enfin – que soient étudiés les financements dédiés à ce secteur.

Dans le secteur du tourisme, les offices de tourisme ont renforcé certains partenariats avec des entreprises privées du territoire, du secteur tourisme ou autre, pour proposer des services à la population ou aux prestataires touristiques (hébergeurs, restaurateurs, sites de visites), engageant ainsi un virage par rapport au public classique du touriste. Par exemple, le développement de formations destinées aux professionnels du tourisme (gestion de l’activité, accueil en période de crise sanitaire), des dispositifs de bons cadeaux pour inciter les visiteurs à revenir, ou encore la facilitation des systèmes de click and collect des producteurs et commerçants locaux. 

Cet élan de solidarité a souvent généré, chez les professionnels bénéficiaires de ces produits et services, un sentiment de considération et une motivation au travail.

Des adaptations plutôt que des innovations 

Les exemples précédents montrent que ces nouveaux services et nouvelles manières de travailler sont le fruit d’une adaptation, d’une sorte d’improvisation, liée à la gestion de l’urgence. Rares sont les entreprises qui étaient préparées à cette crise, avec un écosystème d’innovation déjà en place, ou la capacité à transformer leur modèle pour l’inscrire dans la durée.

Un an après le début de la crise, nous constatons un retour au fonctionnement précédent dans de nombreuses entreprises. Dès que le retour sur site a été possible, il semble que les salariés soient retournés au bureau ou sur leur site de travail habituel, sans prendre le temps d’analyser les changements effectués et de définir ceux qui devaient se pérenniser. Dans les offices de tourisme par exemple, les équipes sont fières du travail accompli pendant la crise et du lien renforcé en interne. Néanmoins, lorsqu’ils évoquent les projets pour l’année à venir, on constate que ces projets sont dans la continuité avec ce qui se faisait avant. Orientés vers l’habitant et le prestataire touristique pendant l’année 2020, ils retournent à la cible touriste, avec des projets centrés sur l’accueil en office de tourisme ou l’animation de communautés digitales. Globalement, peu de nouveaux accords de télétravail ont été déposés en 2020, alors que l’organisation du travail à distance a été un facteur décisif dans la capacité à réagir des entreprises pendant la crise. 

Sans un temps d’analyse sur les apprentissages de la période, la tentation du retour à la “routine” est forte, car perçu comme plus simple par les managers comme par l’ensemble des salariés. Il y a un réel risque à ce que ces entreprises deviennent ainsi inadaptées aux enjeux actuels et aux aspirations des salariés. 

Notre analyse montre que ce que l’on percevait comme innovation n’est au final qu’adaptation. La réelle innovation est par essence durable, c’est-à-dire qu’elle permet un changement tangible dans l’organisation et dans sa production. Il s’agit plus, dans ce que nous observons de la crise, d’innovation incrémentale que d’innovation de rupture. C’est pourtant sur cette dernière que le contexte invite à se pencher. Pour les offices de tourisme, l’enjeu de l’accompagnement des professionnels du territoire et de la création de lien social est de plus en plus évident. Le virage ne s’est pourtant pas effectué de manière visible, les organisations n’étant pas “prêtes” à ces changements. Différents paramètres l’expliquent : un biais cognitif humain qui freine le changement, le manque de temps consacré à la réflexion stratégique sur la raison d’être de l’organisation et sur son fonctionnement interne, la facilité apparente à poursuivre une activité plutôt qu’à la modifier, un besoin de souffler suite à une forte période de tension.

Ainsi, nous mettons en évidence que les entreprises qui ne sont pas prêtes au changement vont seulement s’adapter. La crise agit comme déclencheur d’innovation, uniquement si la structure est prête, si son écosystème est favorable. Mais la crise en soi ne fait pas l’innovation. Le principal facteur de réussite de ces adaptations, cité par les salariés et managers interrogés, est la réaction des personnes, la volonté de s’engager pour une cause plus large que celle de l’entreprise. Il semble reposer essentiellement sur le facteur humain, d’où la nécessité de prendre soin des conditions de travail des salariés. Les autres facteurs de réussite sont finalement beaucoup de facteurs d’obligation, comme celle de s’organiser avec des partenaires externes pour assurer la continuité du service (collaboration entre services à domicile et libéraux par exemple). Finalement, ces adaptations ont plus été subies que réellement choisies, ce qui peut expliquer également la tentation du retour en arrière. Elles sont liées à des sur-engagements humains. Les entreprises dans lesquelles cette réaction et ce sur-engagement ont été analysés et ont engagé une réflexion stratégique ont fait évoluer leur raison d’être, leur stratégie globale. Par exemple, une ré-orientation vers un développement durable, un changement de cible et de public, un abandon simple de certains formats de promotion comme par exemple les salons industriels en présentiel.

Nous avons identifié, parmi les facteurs facilitant la mise en place durable d’innovation de rupture, la capacité qu’a le secteur d’activité à avoir préparé et construit son écosystème d’innovation. Ces entreprises ont dans l’esprit la capacité à se transformer. Elles peuvent donc, avec l’accélérateur produit par la crise, entrer dans cette phase de transformation. Au-delà de l’entreprise, l’écosystème d’innovation dépend également du secteur d’activité : une entreprise seule, qu’elle soit du secteur de l’aide à domicile ou du tourisme, est plus apte à se transformer quand ses clients et partenaires le sont également. Umberto Eco disait que l’innovation est la socialisation de l’invention. Il expliquait par là que l’innovation ne se fait pas sans les bénéficiaires, les clients de l’entreprise. Celles qui ont mis au centre leurs bénéficiaires et clients, qui ont pris ce temps d’écoute et de réflexion avec eux ont pu en ressortir des éléments permettant d’effectuer des choix stratégiques. Un des facteurs clés d’innovation durable est ainsi le temps consacré à cette réflexion, à de la recherche et développement en interne, à l’analyse et la discussion autour des pratiques de travail. N’est-ce pas là, derrière la notion d’innovation durable, que réside la résilience, au sens d’une évolution du système vers une nouvelle normalité ?

Pour des innovations durables 

Le travail de rédaction autour de cet article nous aura permis d’alimenter des réflexions riches autour de l’innovation et de prendre le prétexte de la crise sanitaire pour capitaliser sur les expériences des uns et des autres. Les échanges, avec des acteurs de secteurs professionnels différents, ont conduit à une mutualisation parfois complexe du fait de la diversité des réalités de chacun. Nous avons essayé de faire en sorte de ne pas essentialiser nos propos afin de ne pas en tirer de conclusions générales, conscients que seul l’avenir permettra d’infirmer ou de confirmer nos observations et que chaque secteur a sa réalité. Cette enquête, réalisée essentiellement sur le premier confinement 2020, a vocation à se poursuivre à la manière dont la crise sanitaire s’étend sur 2021. Il nous a semblé néanmoins important de revenir sur certains éléments et questionnements généraux émanant de nos échanges au fil de la rédaction.

 La crise comme déclencheur de l’innovation ?

La crise sanitaire s’est révélée pour beaucoup des acteurs professionnels rencontrés être le point de départ d’une série d’innovations, qu’elles soient managériales, organisationnelles ou économiques. Cela vaut-il pour chaque crise ? L’innovation prendrait-elle systématiquement sa source dans la perspective de faire face à une crise présente ou à venir ? Ne serait-elle que la nécessaire adaptation aux changements par instinct de survie? Quel est le point de départ, l’initiative d’une innovation ? Il nous est apparu que l’innovation managériale était souvent déclenchée en réaction à une crise, de toute nature : sanitaire, mais aussi sociale, économique, écologique… Ne s’agit-il pas de la volonté de prévenir des difficultés ou de les surmonter qui pousse à réfléchir et à faire différemment ? Peut-il y avoir innovation lorsque le secteur dans lequel on exerce ne rencontre pas de difficulté, pas de problématique majeure ? Si nous laissons ces interrogations en suspens, il nous apparaît néanmoins que la crise sanitaire, si elle a semblé être un déclencheur de l’innovation, ne suffit pas à expliquer la prise d’initiative d’innover. 

L’instinct de survie a déclenché des mécanismes avant tout internes aux organisations, assimilables à de l’adaptation aux profonds changements externes. Certaines l’ont fait dans la douleur et avec un effet retard très important, lorsque leur management habituel était très hiérarchisé adossé à une organisation autoritaire du travail, d’autres l’ont fait naturellement et avec fluidité, lorsque leur organisation était déjà influencée par la délégation, la responsabilité, l’agilité et l’autonomie des salariés. 

Ces observations sembleraient confirmer que “l’innovation ne s’invente pas spontanément”. Elle suppose une réelle démarche globale alliant sensibilité aux évolutions de l’environnement de l’entreprise, connexion avec un écosystème adapté, organisation agile avec des outils partagés, état d’esprit humaniste du management, avec cette idée qu’une entreprise est davantage une communauté de personnes qui partage la finalité de celle-ci.  

Adaptation ou innovation ?

Une autre interrogation survenue lors de nos échanges au moment de la rédaction a concerné la qualification de l’innovation : les décisions prises et les actions mises en œuvre pendant la crise sanitaire relèvent-elles davantage de l’adaptation temporaire ou de l’innovation profonde, « de rupture » ? Comment savoir si l’innovation « réussit », si la transformation des pratiques est durable ? Là encore, il semble que seul le facteur temps et la poursuite de notre enquête permettra de capitaliser sur nos observations et de déduire si les activités mises en place se sont poursuivies et si la réflexion autour de l’innovation est toujours en cours. 

Est-ce une innovation que de garder un fonctionnement avec un télétravail partiel après la crise ? Est-ce une innovation que d’abandonner les salons professionnels pour les remplacer durablement par un studio vidéo où webinaire et démonstration live se succèdent ? Est-ce une innovation que de modifier une food-chain économique en utilisant le numérique ? Chacun jugera de sa qualification, mais alors comment qualifier une adaptation durable, si celle-ci est partagée par l’ensemble de l’entreprise et ses clients.

Et surtout pourquoi reviendrait-on en arrière si c’est mieux pour tout le monde ? Ce qui a été frappant dans cette étude, ont été les mots employés pour qualifier les mesures prises face à la crise : bon sens, efficience du travail, expérimentations. comme si la crise révélait trop d’habitudes et bousculait la communauté pour faire autrement et mieux.

Finalement ne serait-on pas face à la “découverte” contrainte par la crise, de la pertinence des approches lean, améliorations continues, entreprise apprenante qui conduisent à mobiliser le collectif de l’entreprise à mettre en place des solutions aux problèmes identifiés.

Alors effectivement, si les mesures prises disparaissent après la crise, celles-ci n’auront été que réponse à une menace. Alors qu’elles auraient pu être au profit d’une opportunité.

En effet, si nous concevons les structures à la manière d’écosystèmes, vivants par essence et donc en constante évolution à condition d’être alimentés, nous pourrons observer les poursuites d’actions (qui relèvent davantage de l’innovation) ou les retours en arrière (qui relèvent davantage de l’adaptation).   

Les conditions favorables à une innovation durable de rupture

Les questions précédentes nous ont amenés à énumérer un certain nombre de conditions qui nous ont semblé favorables à l’émergence non plus d’une adaptation ponctuelle à une crise mais d’une véritable innovation de rupture.

Cette crise a montré la grande capacité des organisations agiles et humanistes à réagir plus rapidement et plus efficacement aux évolutions rapides, et même ici radicales, de leur environnement. Elle a montré aussi la difficulté de pérenniser les changements internes s’ils ne contribuent qu’à répondre à une urgence, mais aussi à les conserver lorsqu’ils contribuent à améliorer le climat social ou l’offre client. Il semble qu’il n’y a pas de fatalité à être dans l’un ou dans l’autre, mais plutôt la recherche d’une résilience de l’organisation, qui allie efficacité des réponses et améliorations permanentes. Le facteur temps apparaît alors comme une condition sine qua none à l’innovation. Pour être durable, qu’elle soit incrémentale ou de rupture, celle-ci doit bénéficier d’un terreau favorable et réactif. Construire ce terreau dans le temps est probablement une innovation durable, et probablement radicale, des organisations et du management d’entreprises. Elle se  construit dans le temps long, associant autonomie, confiance et responsabilité, affinant la finalité ou la raison d’être de l’entreprise comme socle commun, favorisant reconnaissance et valorisation des talents, entrant en partenariat actif avec son écosystème territorial et professionnel. Bref, l’occasion pour beaucoup de tenter de  « faire un pas de côté » dans leur management. Et cela se prépare dans un temps long, avec volonté, humilité et persévérance, et surtout pas tout seul.

L’échange de pratiques et les groupes de discussions autour du travail entre managers ont été une ressource importante pour certaines entreprises. Les programmes de transformation engagés dans certains secteurs (I-MANO pour les structures de l’aide à domicile en Nouvelle-Aquitaine, Entract pour les offices de tourisme, Limoges act pour des entreprises de Limoges) ont permis d’ouvrir ces espaces de discussion propices au questionnement et à l’innovation. Ce ne sont que des prémices à ce qui pourrait devenir une nouvelle manière de travailler, répondant ainsi aux aspirations de liens et d’entraide exprimés par les personnes interrogées. Nécessaires à la survie en période de crise, nous proposons que ces espaces de discussions et de “faire-ensemble” deviennent essentiels en période plus calme, pour construire des écosystèmes d’innovation propices à des transformations durables des manières de travailler et de produire, en intégrant tous les salariés et l’environnement territorial.

Pour aller plus loin…

La crise COVID19 a été pour beaucoup un électrochoc qui a mobilisé notre instinct de survie. Depuis très longtemps une situation dramatique n’avait autant perturbé nos certitudes. Mais cette crise a aussi été l’occasion de tester, d’expérimenter, d’adapter, et au final de prendre conscience que les changements d’urgence sont d’autant moins stressants qu’on y est préparé. Pour certains d’entre nous, l’instinct de survie s’est transformé en innovations opportunes. Alors peut-être que notre prochain document sera consacré à l’avenir. Pour vous et nous y aider, prenons le plaisir de vous et nous interroger, en toute humilité : 

  • Quelle est la finalité de votre entreprise?  Est-ce que la crise vous a permis de vous interroger sur votre raison d’être, voire de la faire évoluer ? Sur quelles valeurs partagées votre entreprise s’appuyait-elle hier et comment vont-elles évoluer demain ?
  • Quelle entreprise souhaitez-vous être après cette crise ? Quelle leçon avez-vous tiré de cette période, quant à votre façon de manager ? Et aussi quant à vos rapports avec votre environnement économique et social local ? 
  • Comment avez-vous pris en compte et pensez-vous prendre en compte à l’avenir les inégalités – face au travail confiné mais également les inégalités sociales des salariés ?
  • Quels sont les liens entre la résilience de votre entreprise, sa capacité à résister aux crises et à s’y préparer, et votre organisation interne ? Comment pensez-vous que votre entreprise puisse évoluer en période calme, pour profiter des crises en matière d’opportunité ?  
  • Vos modes de management ont-ils évolué ?
        • Avez-vous eu le sentiment de nager à contre-courant ou avez-vous vécu la crise de manière naturelle ? Vos adaptations se sont-elles mises en place facilement ? Les salariés y ont il adhéré facilement ?
        • L’émergence du collectif a-t-elle été visible ? A-t-elle permis aux salariés de s’exprimer sur leur entreprise et sur leur manière de créer de la valeur ?
        • Connaissez-vous la vision de l’avenir qu’ont vos salariés ? Avez-vous échangé sur ce sujet avec eux ?
  • Quels sentiments avez-vous à propos de ces évolutions sociales et environnementales (démarche RSE) en cours ? Que pensez-vous de la loi PACT ?
  • Comment vivez-vous ces nombreuses propositions actuelles concernant le management et l’organisation des entreprises, comme le management bienveillant ou humaniste, l’entreprise apprenante, l’entreprise libérée, la raison d’être évolutive, le délégation et même l’holacratie, … ? Avez vous entendu parler du “design du travail” ou du “lean” ? 
  • La crise a-t-elle changé votre regard sur la notion de performance de votre entreprise ? Quels sont les indicateurs passés que vous utilisez et quels seraient les nouveaux indicateurs à mettre en place ? 
  • A quoi voyez-vous que vous avez mieux résisté que vos concurrents ? Vos clients sont-ils contents de vous à la sortie de cette crise ? Avez vous ou pensez vous créer de nouveaux services ou produits avec ce que vous avez appris pendant cette  crise ?

Et nous ne résistons pas à poser cette ultime question: 

Et si la crise durait jusqu’en 2028, que ferions-nous ?

À propos des auteurs

Le groupe PIMO est un groupe d’acteurs de l’accompagnement de l’innovation managériale et organisationnelle en Nouvelle-Aquitaine qui s’est créé en février 2020. Il regroupe les structures suivantes :

ADI Nouvelle-Aquitaine est l’agence régionale pour le développement de l’innovation en Région Nouvelle-Aquitaine. Nous accompagnons toutes les entreprises du territoire dans leurs projets d’innovation, produits, services ou organisationnelles. De la compréhension des enjeux à l’identification des ressources nécessaires pour la mise en œuvre d’une innovation, nous soutenons toute innovation créatrice de valeur économique, sociale et durable sur notre territoire. 

ARACT Nouvelle-Aquitaine – L’Aract (Association Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) Nouvelle-Aquitaine est une association à but non lucratif qui accompagne les entreprises dans leurs projets d’amélioration des conditions de travail et de développement de la performance de leurs organisations, dans une démarche participative mobilisant tous les acteurs et par des actions de conseil, des accompagnements individuels et collectifs ou encore des appuis à l’élaboration de cahier des charges.

Gérontopôle Nouvelle-Aquitaine – Groupement d’Intérêt Public, issu de l’évolution d’Autonom’Lab vise à fédérer et soutenir l’ensemble des acteurs et des organismes de recherche engagés pour la longévité et l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées. Il se construit sur des axes structurants d’appui aux politiques publiques, d’innovation et de développement territorial, et prend une forte assise sur la recherche pour constituer un espace de collaboration interdisciplinaire d’excellence sur la thématique du vieillissement.

La Mona est une agence régionale sous statut associatif. Elle a pour mission d’animer, d’inspirer, de défendre et de former les hommes et les femmes des Organismes de Gestion des Destinations de Nouvelle-Aquitaine. La Mona, comme les structures qui composent son réseau, est un organisme vivant, en mouvement, fruit de la société dans laquelle elle évolue. Sa responsabilité est d’être garant de cela, d’en être acteur, de diffuser largement les valeurs associées et d’encourager ses bénéficiaires/partenaires à s’engager dans cette voie en adaptant perpétuellement les compétences et les missions liées au tourisme institutionnel.

Talents et Culture a pour objet la promotion auprès des acteurs de l’économie (entreprises et organisations du secteur privé et du secteur public, collectivités territoriales, grand public…) de tout projet de développement équilibré du territoire, en particulier dans le domaine du management de la performance durable.