Tourisme durable : comment gérer les flux sur une destination

Le développement de la fréquentation touristique entraine mécaniquement des effets de saturation de certaines destinations, ou plutôt de lieux précis d’une destination.

Comment faire pour le gestionnaire de destination afin de mieux répartir ces flux? Quelles solutions pour inciter les visiteurs à sortir des sentiers battus ? Quels moyens pour permettre aux secteurs les moins fréquentés de profiter eux aussi de ce développement ?

Autant de questions que se sont posés les directeurs d’offices de tourisme de Nouvelle-Aquitaine à l’occasion du NADOT 2019 à Sarlat dont le thème était « les offices de tourisme s’engagent pour la planète » à l’occasion d’un atelier dédié.

Trois témoignages illustraient le thème de la gestion des flux. Nicolas Martin, directeur de l’office de tourisme du Pays Basque en 2019 a présenté sa stratégie.  Sophie Marnier, en charge de Terra Aventura au CRT Nouvelle-Aquitaine a témoigné de l’impact du jeu. Enfin,  Julie Touya directrice de l’office de tourisme Aunis Marais Poitevin a parlé micro-aventure.

L’effet de ruissellement n’existe pas…

En 2019, Nicolas Martin dirige l’office de tourisme du Pays Basque. Ce territoire connaît une très forte fréquentation de son littoral, et une zone intérieure plus à l’écart de ces flux. La solution pourrait sembler simple et elle est très souvent préconisée. Il suffirait qu’un petit pourcentage des touristes de la côte parte au fond du Pays Basque… Mais l’effet de ruissellement n’existe pas : « avoir une destination star, c’est super, mais ça n’irrigue pas forcément le territoire. Le touriste n’a pas forcément envie d’aller voir ailleurs lorsqu’il a choisi sa destination, ou il n’est pas motorisé, ou ce n’est pas simple à organiser… » explique Nicolas. « Si ça peut fonctionner les jours de mauvais temps, ce n’est pas une règle absolu ».

Même si c’est un doux rêve vendu par de nombreuses études, force est de constater que l’on ne peut pas construire une stratégie touristique sur la théorie du ruissellement naturel : il faut le provoquer! Quelques idées ont été apportées par Nicolas Martin :

  1. Mobiliser les habitants : si les habitants eux-mêmes ne fréquentent pas les lieux plus intimes du territoire, ils ne seront pas prescripteurs auprès des touristes. Nicolas cite l’exemple de l’Hopital Saint-Blaise, un lieu magnifique en Soule, dans l’endroit le moins accessible du territoire. Aujourd’hui, il faut faire connaître ce site aux basques eux-mêmes…
  2. Faciliter la circulation des flux : il faut organiser les transports. « Si vous dites « venez passer trois jours à Bordeaux et poursuivez en Creuse » ça ne marchera pas, notamment parce qu’il n’y a pas de transport », explique Nicolas.
  3. Organiser et simplifier : les cartes de réduction classiques ne fonctionnent pas forcément car elles ne sont pas simples d’utilisation. Il faut organiser le produit, et l’office de tourisme a un rôle certain à jouer la-dedans.
  4. Encourager le slow tourisme. Pourquoi ? « Parce que les territoires a faible touristicité ne se découvrent pas en trois jours, il faut se positionner sur du temps long. Mais aussi convaincre les élus que la fréquentation touristique, même faible, contribue à l’équilibre économique du territoire »
  5. Changer de discours, aller vers un office de tourisme militant. Pour Nicolas, « un office de tourisme militant, c’est celui qui ne donnent pas forcément aux touristes ce qu’ils veulent, mais celui qui affirme le territoire comme il est, avec son identité et ses spécificités ». C’est aussi une manière d’inverser les flux

L’office de tourisme du Pays Basque met en place pour la saison 2019 l’ « Euskal pass ». Bâti sur le modèle des city pass urbain, il intègrera les grands sites en année 1, puis les transports avec tarifs négociés dans un ou deux ans.
Parallèlement, une nouvelle carte touristique qui met en avant des territoires moins connus (dire ce que l’on est, pas ce que le touriste veut) vient de sortir.
Enfin, l’office de tourisme valorise la langue basque, qui permet de créer du récit, de l’imaginaire, et s’investit dans la monnaie locale (L’eusko)…

 

La gamification comme outil de gestion des flux

Tout le monde connaît Terra Aventura, cette application de géocaching développée par le CRT Nouvelle-Aquitaine, aux chiffres impressionnants : 300 parcours, 700 000 joueurs, de nouvelles équipes (ce qui montre la fraicheur du jeu) et 100% des départements de la région couverts.

Sophie Marnier, initiatrice de Terra Aventura et responsable de son déploiement en région, a expliqué comment cet outil peut devenir un outil de gestion des flux touristiques à trois niveaux :

  1. une fréquentation toute l’année et notamment sur les ailes de saison. En effet, cette période favorable aux séjours de proximité, est en pleine expansion. « Grâce à Terra Aventura, 50 % des joueurs (+17 points en 1 an) passent une nuit en dehors de leur domicile, précise Sophie. Et pour  34 % d’entre eux, faire un parcours Terra Aventura est la seule raison du séjour.  41 % sont des primo visiteurs sur le département et 91 % pensent y revenir ». Le jeu crée donc du séjour.
  2. Diffusion des flux sur des territoires très confidentiels. Chaque village ayant a mis en place un parcours Terra Aventura a vu l’effet sur sa fréquentation. Les joueurs recherchent avant tout le parcours, le jeu. Ils prennent une décision de visite par rapport à la présence d’une cache, plus que par rapport à la destination elle-même.
  3. Une véritable itinérance entre les destinations : les chiffres montrent que les joueurs passent d’un territoire à un autre en fonction des itinéraires de jeu. Ils découvrent de nouvelles destinations parce qu’elles sont couvertes par Terra Aventura. Comme l’explique Sophie, « des spots touristiques ont un effet tête de gondole. Par exemple, des destinations connues comme Saintes ou  Rochefort permettent de renvoyer le joueur plus à l’intérieur,  au profit de parcours bien plus confidentiels. L’irrigation est le fruit de la gamification : le joueur est dans la dynamique de « collection », il est prêt a faire de la route pour cette quête!« 

Au final, la satisfaction des pratiquants provient autant de l’environnement (présence d’un café, bon accueil, etc.) que du jeu lui-même.

L’ambition de Terra Aventura pour 2019 est de toucher 1 million de joueurs, avec plus de 400 parcours, qui permettent un rééquilibrage territoiral sur l’ensemble de la Nouvelle-Aquitaine.

 

Valoriser la micro-aventure

Julie Touya, directrice de l’office de tourisme Aunis Marais Poitevin, est venu nous expliquer comment son territoire avait noué un partenariat avec la start-up Chilowé. Cette jeune pousse est dédiée à la micro-aventure. La micro-aventure, c’est l’art de vivre des expériences de découverte à proximité de chez soi. Chilowé, à travers une communication décalée, s’adresse à une communauté de pratiquants très convaincus et très engagés. Ces nouveaux touristes sont tout à fait prêts à consommer de nouveaux territoires. Train + vélo, camping, canoé, etc, sont les ingrédients de ces micro-aventures.

La cible ? Les CSP +, les communautés Chilowé implantées dans les grandes villes. Pour l’office de tourisme Aunis Marais Poitevin, ce sera Nantes ou Paris

Concrètement, le partenariat entre l’office de tourisme et la start-up se matérialise par l’édition d’un guide papier. Celui-ci contiendra des expériences à faire, à vivre et à rencontrer. Ce modèle sera testé par les utilisateurs  à partir de juin 2019.

Le bilan se fera après l’été, mais d’ores et déjà, Julie ne voit que des avantages à la micro-aventure.  « Elle permet de préserver la nature et de privilégier les transports doux. La communication Chilowé pousse des lieux peu fréquentés en donnant l’idée du privilège. Les images font la part belle à la découverte de nouveaux paysages. Les aventuriers deviennent acteurs de leurs vacances. » 

Allons plus loin…

54. Les offices de tourisme s’engagent pour un tourisme durable

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