SCIC, SCOP, réinventer la gouvernance ?
La gouvernance participative fait partie de l'ADN des offices de tourisme. Pourtant, elle est souvent mise à mal par les contraintes des statuts juridiques. Et si nous, à la MONA, nous inspirions d'autres modèles ? Les Sociétés Coopératives d'Intérêt Collectif (SCIC) et les Sociétés Coopératives et Participatives (SCOP) offrent des pistes intéressantes pour repenser nos modes de gouvernance.
Pour mieux comprendre ces modèles, nous avons échangé avec Xavier Gasquet, directeur de l'Union Régionale de SCOP Limousin.
Qu'est-ce qu'une SCIC ou une SCOP ?
Les fondamentaux de ces statuts coopératifs
Une SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif) et une SCOP (Société Coopérative et Participative) sont deux statuts juridiques qui partagent un point commun : une gouvernance et une gestion participatives.
Ces deux structures permettent la participation au capital de plusieurs types de membres. Dans une SCOP, ce sont principalement les salarié·e·s. Dans une SCIC, plusieurs collèges peuvent coexister : salarié·e·s, bénéficiaires, collectivités territoriales, etc.

Double nature juridique : commercial et solidaire
Les SCIC et les SCOP sont des sociétés commerciales soumises au droit des sociétés, avec toutes les obligations que cela implique. Mais elles sont aussi reconnues par l'économie sociale et solidaire (ESS). Le droit coopératif s'applique alors, avec son principe fondamental : 1 associé·e = 1 voix.
Toutes les décisions passent par l'assemblée générale, qui élit le ou la gérant·e. Cette gouvernance démocratique fait toute la différence.
Quel lien entre ces statuts et les offices de tourisme ?
Une source d'inspiration pour la gouvernance
La question du statut juridique mérite d'être approfondie pour étudier les compatibilités entre droit du tourisme, droit des sociétés et droit coopératif. Au-delà de l'aspect juridique, ces modèles inspirent tant sur la gouvernance que sur le management. La participation des salarié·e·s génère un engagement supérieur dans le projet de territoire.
Un office de tourisme peut également prendre part à une SCIC ou une SCOP sur son territoire. C'est une manière d'intégrer la gouvernance de structures ayant un impact territorial fort.
Les conditions d'application pour un office de tourisme
Le statut de SCOP paraît difficilement compatible avec le code du tourisme et les missions d'un office de tourisme. En revanche, le statut de SCIC peut l'être, sous certaines conditions :
- Un conventionnement avec la collectivité publique qui détient la compétence
- Un contrat soumis aux règles de la commande publique
C’est ce qui se fait aujourd’hui pour les quelques rares offices de tourisme gérés par des Sociétés d'Économie Mixte (SEM), qui répondent à des contrats de concession.
Ces statuts coopératifs sont-ils récents ?
Une histoire centenaire pour les SCOP
Les SCOP ne sont pas nouvelles. Les premières coopératives sont nées dans la première moitié du XXème siècle, principalement dans le secteur industriel. Le réseau a beaucoup évolué ces dernières années, notamment grâce à la loi Hamon de 2015 sur l'économie sociale et solidaire.
Les SCIC : un outil pour les projets de territoire
Les SCIC sont plus récentes, créées en 2001. Elles sont particulièrement plébiscitées pour la création de projets collectifs sur des territoires, auxquels la collectivité souhaite souvent prendre part. On trouve des SCIC dans différents secteurs d'activités, dont le tourisme et les tiers-lieux.
En 2015, la création de SCOP et SCIC en France affichait une progression de 6% contre 4% pour les autres entreprises françaises.
Comment naît une coopérative ?
Les SCOP sont souvent issues d'une transformation de Société à Responsabilité Limitée (SARL), de Société par Actions Simplifiée (SAS) ou de Société Anonyme (SA) lors de la reprise de l'activité. Un·e chef·fe d'entreprise part en retraite et souhaite transmettre l'entreprise à ses salarié·e·s, qui deviennent les principaux sociétaires.
Lorsqu'il s'agit de créer une SCOP ex nihilo, c'est la volonté de construire une entreprise sur la base de fortes valeurs participatives qui ressort.
Quelques chiffres en Nouvelle-Aquitaine
- 370 sociétés coopératives (SCOP et SCIC)
- 16 salarié·e·s en moyenne par coopérative (chiffres Limousin)
Comment fonctionne concrètement la gouvernance d'une SCOP ?
Participation des salarié·e·s au capital
Les statuts de la SCOP définissent les modalités de participation des salarié·e·s. Tout ou partie des salarié·e·s devient sociétaire. Ils et elles détiennent majoritairement le pouvoir et le capital. Il peut y avoir des associé·e·s externes, mais ils et elles ne sont pas majoritaires.
Les statuts fixent le montant de la participation, qui peut être :
- À parts égales
- Fixée librement
- À parts différenciées en fonction de la rémunération
Structure financière et répartition des bénéfices
Le patrimoine de la société est constitué de :
- Le capital social
- Les réserves impartageables
- Les emprunts
- Les fournisseurs
Le résultat se répartit en :
- Réserves (pour le fonctionnement de la société)
- Part travail (reversée aux salarié·e·s)
Dividendes (facultatif, reversée aux associé·e·s)
L'assemblée générale prend les décisions. Chaque associé·e y dispose d'une voix à part égale : c'est la base d'une gestion démocratique.
Quelques SCOP orientées tourisme en Nouvelle-Aquitaine :
- SCODEC Tourisme (Deux-Sèvres)
- Campings.online (Charente-Maritime)
- Ekitour (Vienne)
- Accion Aquiten (Dordogne)
- Coop'Alpha (Coopérative d'Activité et d'Emploi en Nouvelle-Aquitaine)
Comment fonctionne la gouvernance d'une SCIC ?
Un projet collectif multi-acteur·rice·s
Dans une SCIC, des membres de structures différentes se partagent la gouvernance. Le principe 1 associé·e = 1 voix est appliqué.
Il y a au minimum 3 types d'associé·e·s :
- Les salarié·e·s
- Les bénéficiaires
- Une catégorie à définir selon le projet
Ces associé·e·s sont réparti·e·s en catégories, constituées de personnes morales ou physiques. C'est le projet collectif qui prévaut, dans lequel chacun·e trouve un intérêt particulier.
Par exemple, la Coopérative Tiers-Lieux en Nouvelle-Aquitaine est constituée de 9 catégories d'associé·e·s. Cela permet d'impliquer un large panel d'acteur·rice·s dans la gouvernance.
La participation des collectivités territoriales
En Nouvelle-Aquitaine, les SCIC regroupent des entreprises variées : fourniture d'électricité, conseil en environnement, agences de communication... Il s'agit souvent de projets ancrés sur un territoire, avec une participation de la collectivité.
Les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics territoriaux peuvent devenir associés et détenir jusqu'à 50% du capital.
Quelques SCIC orientées tourisme en Nouvelle-Aquitaine :
- Le Temps de Vivre (Tiers-Lieux à Aixe-sur-Vienne)
- La Ferme des Vignes (87)
- Insertion Château de Neuvic
- O Tempora
Quel management dans une structure où les salarié·e·s sont associé·e·s ?
Une structure plus horizontale
Nécessairement, une structure dans laquelle les salarié·e·s sont associé·e·s a une organisation plus horizontale qu'une entreprise classique. L'information est partagée, le capital et les risques aussi. Les salarié·e·s associé·e·s sont co-responsables du devenir de l'entreprise. La performance reste au centre des préoccupations, car l'entreprise se doit d'être rentable.
Le management participatif est le mode de fonctionnement par défaut en SCIC et en SCOP, puisque les salarié·e·s sont associé·e·s au même titre que d'autres parties prenantes.
Dans les SCOP, les salarié·e·s sont majoritaires parmi les associé·e·s. Dans les SCIC, les salarié·e·s sont minoritaires. Les autres collèges permettent d'équilibrer les intérêts.

La place du bénévolat dans les SCIC
On peut retrouver un collège de bénévoles dans les SCIC. Leur participation est très encadrée pour éviter le travail déguisé. Ils et elles n'ont évidemment pas de lien hiérarchique ni d'horaires, puisqu'ils et elles ne réalisent pas un travail salarié, mais du bénévolat. Ce fonctionnement est précisé dans un règlement intérieur.
L'engagement financier des parties prenantes
Les statuts déterminent la valeur de la part ainsi que le nombre de parts à apporter. On choisit clairement les parties prenantes au projet. Cela permet d'impliquer largement les salarié·e·s, mais aussi d'autres entités comme les collectivités.
« Je vous donne l'exemple d'une SCIC dans le domaine du VTT sportif. La mairie s'est engagée au capital pour conforter le projet et encourager le dynamisme local. C'est une autre forme de participation que le principe de subvention. Sur un autre territoire, la mairie s'engage pour faire perdurer un lieu de vie, qui sera géré par plusieurs acteur·rice·s. On peut craindre le lien politique, mais la réalité est que les projets sont des projets de territoire à long terme. Ils ne sont donc pas réellement impactés par les changements politiques. » - Xavier Gasquet
Quels sont les préalables pour créer ou se transformer en SCIC/SCOP ?
Trois éléments sont principalement nécessaires :
- Un projet économique clair et viable
- Une volonté de partager la gouvernance
- Une volonté de faire vivre le sociétariat et d'impliquer les acteur·rice·s financièrement
« Il s'agit de visions différentes à concilier. Chacun·e a un intérêt : il faut donc dépassionner le débat. Globalement, il s'agit d'un investissement militant, souvent pour faire (re)vivre un territoire ou une activité. La part sociale que peuvent prendre les habitant·e·s dans une SCIC est une véritable plus-value. » - Xavier Gasquet
Quelles différences entre une SCIC/SCOP et une association ?
Une activité économique avec obligation de rentabilité
Premièrement, il s'agit clairement d'une activité économique avec une nécessité de rentabilité. Les coopératives sont régies par le droit commercial et soumises aux impôts commerciaux. Le lien financier est plus clair que dans une association.
Au niveau de la gouvernance, le Conseil d'Administration (CA) est moins présent que dans une association : ce sont les salarié·e·s qui portent le projet au quotidien. Dans les associations, le bureau et/ou le CA ont un poids majeur dans la prise de décision.
Un encadrement juridique protecteur
Le bénévolat est totalement encadré, tout comme les financements. Le risque d'association transparente ou de travail déguisé est écarté grâce au cadre juridique des coopératives.
Pour aller plus loin…
Les sites du réseau des SCoP :
Deux exemples de SCIC avec un fort ancrage territorial :

Votre interlocutrice
Charlotte Emery
En charge des sujets autour de la qualité de vie au travail et de la transformation des organisations
- Thèmes de l'article
- Organisation touristique
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